Ahmadou Ahidjo, né le 24 août 1924 à Garoua, est l’une des personnalités les plus marquantes de l’histoire politique du Cameroun. Issu d’une famille peule, il a été élevé dans la religion musulmane, ce qui a influencé son identité culturelle et sa vision du monde. Sa trajectoire politique, marquée par un engagement précoce et une ascension fulgurante, fait de lui un acteur central de la politique camerounaise, notamment dans la construction de l’État moderne après l’indépendance.
Premiers Pas dans la Vie Scolaire et Professionnelle
Ahidjo montre dès son jeune âge une volonté d’excellence académique. En 1939, à seulement 15 ans, il réussit son Certificat d’Études Primaires Élémentaires (C.E.P.E.). L’année suivante, en 1940, il poursuit ses études et est admis à l’École Primaire Supérieure de Yaoundé, où il obtient son diplôme en 1942. Ses résultats scolaires exceptionnels le conduisent à être intégré dès la même année comme fonctionnaire télégraphiste, une position qui marque le début de sa carrière professionnelle. Il devient ensuite opérateur des P.T.T. (Postes, Télégraphes et Téléphones), un rôle administratif qui lui permet d’acquérir une expérience dans le service public.
Engagement Politique : De l’Assemblée Territoriale à la Présidence
La carrière politique d’Ahidjo commence en 1943 lorsqu’il est élu membre de l’Assemblée Territoriale du Cameroun (ATCAM). Son engagement précoce dans la politique locale lui permet de tisser des liens avec les acteurs politiques influents de l’époque. En 1952, il est élu Conseiller de l’Assemblée de l’Union Française, un poste important dans la représentation des colonies africaines au sein du parlement français. Il devient Vice-Président de l’Assemblée de l’Union Française en 1956, une position qui accentue sa visibilité politique et sa montée en puissance.
L’année suivante, le Cameroun obtient son autonomie interne, et Ahmadou Ahidjo est nommé Vice-Premier Ministre chargé de l’Intérieur en février 1957. Il prend ensuite le portefeuille stratégique du Ministère de l’Intérieur le 17 mai 1957, où il se distingue par sa gestion des affaires internes du pays.
Le 18 février 1958, Ahidjo devient le Premier Ministre du Cameroun, succédant ainsi à André-Marie Mbida, le premier Premier Ministre du pays. Cette nomination marque un tournant dans la carrière d’Ahidjo, qui devient le principal architecte de la politique camerounaise.
Présidence et Réunification du Cameroun
En mai 1960, Ahmadou Ahidjo est élu Président de la République du Cameroun suite à l’indépendance du pays. Son accession à la présidence est un moment historique dans la décolonisation du Cameroun, un processus mené avec détermination par Ahidjo et ses collaborateurs. En tant que premier président du Cameroun indépendant, Ahidjo entreprend de moderniser et de consolider les institutions de l’État, tout en poursuivant une politique de stabilité interne.
L’une de ses réalisations majeures reste la Réunification du Cameroun en 1961. À cette époque, le Cameroun était divisé en deux parties, l’une sous administration française (Cameroun français) et l’autre sous administration britannique (Cameroun britannique). Ahmadou Ahidjo réussit à mener des négociations complexes avec les autorités britanniques et les leaders anglophones pour parvenir à l’unification des deux régions, créant ainsi la République du Cameroun moderne. Cette unification est un des accomplissements les plus importants de son mandat.
Le Parti Unique et Réformes Constitutionnelles
En 1966, Ahidjo prend une décision majeure en instaurant un parti unique, le Union des Populations du Cameroun (UPC), consolidant ainsi son pouvoir et mettant fin à la diversité partisane. Le régime d’Ahidjo devient de plus en plus centralisé, et la politique de stabilité devient un pilier de son gouvernement.
En 1972, Ahidjo réforme la structure de l’État en transformant la République Fédérale du Cameroun en la République Unie du Cameroun. Cette réforme visait à renforcer l’unité nationale, mais elle a aussi permis à Ahidjo d’accroître son contrôle sur le pays.
Démission et Transition du Pouvoir
Le 4 novembre 1982, après 22 ans de présidence, Ahmadou Ahidjo prend la décision surprenante de démissionner de ses fonctions de Président de la République, un acte qui marque un tournant dans l’histoire politique du pays. Le 6 novembre 1982, son successeur, Paul Biya, assume la présidence du Cameroun, amorçant une nouvelle ère dans la politique camerounaise. Ahidjo se retire alors de la vie politique, mais son influence reste présente dans les coulisses du pouvoir.
Décès et Héritage
Ahmadou Ahidjo meurt le 30 novembre 1989 à Dakar, au Sénégal, à l’âge de 65 ans. Son décès met un terme à une époque dominée par son autorité et sa vision de l’État. Toutefois, son héritage demeure profondément ancré dans la politique camerounaise. Il est reconnu comme l’un des pères fondateurs de la nation camerounaise moderne, un homme qui a su naviguer habilement entre les défis de la décolonisation, la gestion de la diversité ethnique et linguistique du pays, et les impératifs d’unification nationale.
Sa gestion autoritaire du pouvoir et ses réformes institutionnelles ont façonné le Cameroun tel qu’il est aujourd’hui. Cependant, son héritage est également complexe, et son style de gouvernance a suscité des critiques, notamment en ce qui concerne les libertés publiques et l’absence d’opposition politique sous son régime. Malgré ces critiques, Ahmadou Ahidjo reste une figure incontournable de l’histoire du Cameroun, dont l’influence se fait encore sentir à travers les institutions et les politiques actuelles du pays.