Le Cameroun dispose d’un système juridique unique, combinant des influences issues des systèmes de droit civil français et de common law britannique, en raison de son passé colonial. Ce modèle bicéphale, ajouté aux spécificités culturelles et politiques du pays, rend la législation camerounaise riche mais aussi complexe. Cet article explore l’organisation de la législation camerounaise, les défis auxquels elle fait face, et les réformes en cours.
1. Organisation du système juridique camerounais
A. La Constitution : fondement juridique
La Constitution du Cameroun, adoptée en 1972 et amendée en 1996, est la loi suprême. Elle définit l’organisation politique, les droits fondamentaux des citoyens et les principes régissant les institutions du pays.
Points clés de la Constitution :
- Le Cameroun est un État unitaire décentralisé.
- Il garantit les libertés fondamentales telles que la liberté d’expression, de presse, et de religion.
- La séparation des pouvoirs est consacrée, bien que dans la pratique, le pouvoir exécutif domine souvent.
B. Double système juridique
Le Cameroun applique à la fois :
- Le droit civil : Hérité de la France, il est majoritaire et appliqué dans les huit régions francophones.
- La common law : Héritée de la Grande-Bretagne, elle est appliquée dans les deux régions anglophones (Nord-Ouest et Sud-Ouest).
C. Les institutions juridiques
- Cour Suprême : Plus haute juridiction, elle assure le contrôle de la légalité des décisions judiciaires.
- Conseil Constitutionnel : Chargé de statuer sur la constitutionnalité des lois.
- Tribunaux ordinaires : Incluant les tribunaux de première instance, les cours d’appel et les juridictions spécialisées (commerce, travail, etc.).
D. Les lois spécifiques et coutumières
- Le Cameroun reconnaît le droit coutumier dans certaines circonstances, notamment pour les questions de mariage, de succession et de propriété. Cependant, ces pratiques doivent être conformes à la Constitution.
2. Les principaux domaines de la législation
A. Droit civil et commercial
Le droit civil régit les relations entre les individus, tandis que le droit commercial encadre les activités économiques.
- Code OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) : Le Cameroun, membre de l’OHADA, applique ce code pour simplifier et harmoniser le droit des affaires en Afrique.
B. Droit pénal
Le Code pénal camerounais définit les infractions et les sanctions applicables. Il couvre des sujets variés comme :
- La protection des droits humains.
- La lutte contre la corruption.
- Les infractions environnementales.
C. Droit du travail
Le Code du travail fixe les relations entre employeurs et employés, y compris les droits syndicaux, les conditions de travail et les règlements des conflits.
D. Droit foncier et immobilier
Le droit foncier reste complexe, avec des conflits fréquents entre les régimes coutumiers et les lois modernes sur la propriété.
3. Défis de la législation camerounaise
A. Dualité juridique et conflits de systèmes
Le chevauchement entre le droit civil et la common law pose des défis, notamment dans les régions anglophones où la crise sociopolitique a exacerbé les tensions.
B. Problèmes d’accessibilité
- Les lois ne sont pas toujours bien connues des citoyens, notamment dans les zones rurales.
- Le coût et la lenteur des procédures judiciaires freinent l’accès à la justice.
C. Corruption et ingérence politique
La perception de la justice comme étant influencée par des intérêts politiques ou financiers réduit la confiance des citoyens envers le système judiciaire.
D. Évolution lente des lois
Certaines lois, comme celles liées aux droits des femmes ou à la protection de l’environnement, nécessitent des réformes pour mieux répondre aux enjeux modernes.
4. Réformes et évolutions en cours
A. Décentralisation
- Le gouvernement a initié des réformes pour renforcer la décentralisation et donner plus de pouvoirs aux collectivités locales.
- Cette mesure vise à réduire les inégalités régionales et à rapprocher les citoyens des institutions.
B. Modernisation de la justice
- Digitalisation des services judiciaires pour accélérer les procédures.
- Formation continue des magistrats et avocats pour harmoniser l’application des lois.
C. Lutte contre la corruption
- Des initiatives comme la Commission nationale anti-corruption (CONAC) travaillent à améliorer la transparence dans le secteur judiciaire.
D. Promotion des droits humains
- La révision des lois discriminatoires, notamment celles liées au genre, progresse sous la pression des organisations nationales et internationales.
5. Conclusion : Une législation en transition
Le Cameroun possède un cadre juridique diversifié et riche, mais il est encore en quête d’équilibre entre tradition, modernité et inclusion. Les réformes en cours témoignent d’une volonté d’adapter la législation aux réalités sociopolitiques et économiques du pays.
Toutefois, pour que le système législatif soit pleinement efficace, il est impératif de garantir une justice équitable, accessible et indépendante. Avec ces améliorations, le Cameroun pourrait devenir un modèle en matière de gouvernance juridique en Afrique.